Koukoutamba, le nom si évocateur de salut pour des pays en bute à des déficits énergétiques structurels, renvoie à un projet de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS).
Il s’agit de la construction d’un barrage hydroélectrique qui aurait à produire 300 MW dont devraient profiter les populations des Etas riverains : Guinée, Mali, Mauritanie et Sénégal. Les conditions de sa réalisation sont contenues dans un dossier d’appel d’offres international ainsi libellé en son introduction :
«L’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), ci-après dénommé le ‘Maître de l’Ouvrage’ lance un appel d’offres pour la conception, la fourniture, la construction et la mise en service du Projet d’aménagement hydroélectrique de Koukoutamba sur le fleuve Bafing en République de Guinée.»
On est en 2016. Une succession de rencontres de haut niveau, une évaluation des offres et, à l’arrivée, trois Sociétés Chinoises sont reconnues avoir présenté les meilleurs documents. La concurrence a été pourtant de niveau. Une quinzaine de candidatures s’étaient annoncées. Les recalées sont américaines, canadiennes, européennes entre autres.
La première chinoise éliminée est Sino-Hydro. Disqualifiée à l’évaluation du dossier administratif, la concernée introduit une réclamation, obligeant l’OMVS à commettre un expert indépendant pour statuer sur ladite réclamation. Sans changement, Synohydro sera finalement déboutée.
Qualifiées pour le tour final à l’évaluation technique : China Gezhouba Group Company (Cggc) et China International Water & Electric (Cwe). La seconde phase, à l’ouverture publique des offres financières, place nettement CGGC en tête. Cette phase a été validée par la Commission d’évaluation de l’Organisation dans laquelle siège tous les représentants des États-membres,
L’Organisation tient son maître d’œuvre pour Koukoutamba. Du moins pensa-t-elle. La nouvelle donne, depuis peu, c’est qu’une des recalées cherche à se repositionner. Elle aurait trouvé une porte d’entrée.
Premier signe très évocateur : en pleine réunion au siège de l’OMVS à Dakar, le 19 août dernier, une lettre venant de Conakry, présentée comme étant à l’initiative de Bamako, demande la suspension des travaux. Les délégués représentants les États- membres sont aussi surpris les uns que les autres. Le coup de théâtre serait lié à la farouche volonté de Sino-hydro de revenir à la table.
Des sources proches du dossier suspectent un État-membre de chercher à se désolidariser de ses partenaires, relativement à la désignation du futur maître d’œuvre. Ces mêmes sources voient dans l’affaire, la main de Conakry qui a l’avantage du site dans la région du Fouta Djallon, préfecture de Tougué.
Le Président Alpha Condé voudrait-il « nationaliser » un projet régional agréé comme tel par la Banque Mondiale et dont la gestion relève d’une organisation communautaire ?
S’il se confirmait que la Guinée opterait pour faire cavalier seul, à son unique avantage, ce qui expliquerait le retour (ou tentative de retour) de Sino-Hydro au dossier, l’OMVS se trouverait impliquée, à son corps défendant, dans une opération dont les conséquences seraient inqualifiables pour les contribuables des États du Fleuve. La solidarité régionale en prendrait un sacré coup, par ailleurs, fait-on remarquer dans des milieux avertis !
Si le dossier d’appel d’offre, lancé depuis un an, reprend son cours normal – duquel il n’aurait jamais dû être dévié – les populations guinéennes, maliennes, mauritaniennes et sénégalaises pourront toutes bénéficier d’une énergie renouvelable et bon marché, à l’image de Manantali et des autres ambitieux projets de l’OMVS.
Autrement, l’Organisation se trouverait à devoir gérer les retards que de pareilles manipulations pourraient occasionner. L’endettement des États pourrait se creuser si on s’écartait de la règle du moins et mieux disant, telle qu’énoncée dans le Dao de Koukoutamba.
Nul doute, que le prix à supporter pour un retour « gagnant » dans le jeu, d’un candidat préalablement disqualifié, même après avis de l’expert sollicité pour réexamen des offres, ne peut se faire qu’au détriment des peuples et des États.
L’OMVS aura à choisir entre la responsabilité et une pernicieuse complicité.