Le Kenya se retrouve plongé dans une situation inédite. La Cour suprême a annulé la présidentielle du 8 août et donc la réélection du chef de l’Etat, Uhuru Kenyatta. Les juges ont estimé que la Constitution n’avait pas été respectée, pointant des problèmes dans la transmission des résultats. La Commission électorale, l’IEBC, a annoncé une autre élection le 17 octobre. Beaucoup d’obstacles restent cependant à franchir pour organiser ce scrutin.
Pour savoir comment rectifier le tir et ne pas répéter les irrégularités constatées lors du scrutin du 8 août au Kenya, la commission électorale (IEBC) doit d’abord savoir exactement ce qui doit être amélioré.
En rendant son verdict, la Cour Suprême n’a pas donné de détails. Elle a 21 jours pour publier un rapport à partir du rendu de sa décision. L’IEBC a déjà nommé pour trois mois une équipe spéciale chargée de gérer ce nouveau processus, mais elle a demandé aux magistrats la diffusion rapide de leur rapport.
En attendant, l’opposition met la pression. La coalition d’opposition, la Super alliance nationale (NASA) a conditionné sa participation à une longue liste d’exigences : audit technologique de l’élection, enquête sur la société française Safran qui a fourni les boîtiers électoraux numériques, examen du registre électoral ou encore suspension de cadres de la commission. Le leader de l’opposition Raila Odinga brandit la menace d’un boycott si ses exigences ne sont pas satisfaites.
« Nous ne participerons pas sans garanties légales, a-t-il expliqué. Nous savons ce qui s’est passé à la dernière élection. Si rien ne change, les résultats seront les mêmes. Donc nous n’irons pas si nos exigences ne sont pas respectées. La Cour suprême a déclaré le vote du 8 août nul et non avenu. Donc il faut refaire tout le scrutin. Ce n’est pas un second tour. Tout Kényan souhaitant participer doit être autorisé à le faire ».
Deux candidats autorisés seulement
La Commission électorale a en effet limité le nombre de candidats. Seuls le principal opposant et le président Kenyatta pourront se présenter. Les six autres inscrits le 8 août seraient donc exclus.
Un véritable problème pour Justin Willis, professeur à l’université de Durham, au Royaume-Uni. « La commission s’est compliqué la tâche, explique-t-il. Des petits candidats écartés ont déjà dit qu’ils allaient porter l’affaire en justice. Cela va aussi être très difficile de répondre aux exigences de l’opposition dans les délais. Les demandes sont profondes, elles impliquent beaucoup de travail. Sans oublier qu’on se demande qui va faire ces réformes ».
Ces exigences ont en tout cas entraîné une réponse immédiate du pouvoir. Le sénateur de la majorité Kipchumba Murkomen a expliqué que la NASA ne pouvait pas dire à l’IEBC comment faire son travail. Il a également mobilisé les troupes. « Nous remercions nos supporters d’être restés calmes malgré leur douleur et leur mécontentement, déclare-t-il. Nous leur demandons de se préparer à l’élection du 17 octobre, qui mettra définitivement fin à la politique de division et de meurtres de nos adversaires. Après ça nous aurons un nouveau Kenya où les compétiteurs respectent la loi ».
Campagne relancée
La campagne électorale a donc clairement repris. Le ton est déjà acerbe. En tout cas, même si le chef de l’Etat l’avait emporté avec dix points d’avance en août, la course est relancée, explique Justin Willis.
« Ce sera une toute nouvelle campagne, affirme ainsi l’universitaire. Odinga a reçu un élan important grâce à la décision de la Cour suprême. Au Kenya, aucun président en exercice n’a perdu une élection. Donc cette annulation pourrait instaurer le doute et montrer qu’une défaite est possible. D’un autre côté, Kenyatta utilise un nouveau thème de campagne : l’interférence supposée de la Cour avec la volonté du peuple. Donc, on va avoir une bataille avec une question centrale : savoir où s’arrête la souveraineté populaire et où commence l’autorité des institutions ».
Autre poids dans la balance : le 8 août, le parti au pouvoir a également remporté les élections locales, ce qui pourrait aider Uhuru Kenyatta. Des élus locaux ont promis de soutenir sa campagne.