Amy Collé Dieng est accusée d’« offense au chef de l’Etat » et de « diffusion de fausses nouvelles ». Son avocat dénonce une « détention arbitraire ».
Interpellée par la Division des investigations criminelles (DIC) le 3 août, dans le quartier du Plateau, à Dakar, la chanteuse sénégalaise Amy Collé Dieng a été inculpée et placée sous mandat de dépôt après cinq jours de garde à vue, mardi 8 août, pour « offense au chef de l’Etat et diffusion de fausses nouvelles », selon l’un de ses avocats, Me Boubacar Barro.
Dans un enregistrement sonore partagé sur WhatsApp, en principe au sein d’un groupe fermé, la chanteuse de 39 ans s’était montrée favorable à l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012), un des leaders de l’opposition lors des élections législatives du 30 juillet, et critique envers le président Macky Sall, dont la coalition venait de remporter ce scrutin.
La chanteuse de mbalakh (un style de musique sénégalais basé sur les percussions), qui a connu le succès il y a quelques années, y accusait le chef de l’Etat sénégalais de « manœuvrer dans l’ombre » pour accomplir ses desseins et d’être un « saï-saï » (un « coquin », en wolof). Elle lui reprochait également de n’avoir « rien fait dans le pays » depuis son élection en 2012 et d’avoir « volé les élections » du 30 juillet. Enfin, elle dénonçait la gestion par le pouvoir du scrutin, marqué par d’importants problèmes d’organisation.
Une deuxième personne arrêtée
Après son interpellation, Amy Collé Dieng a affirmé que ses propos, qui ont été largement diffusés par des sites d’informations sénégalais, n’étaient pas destinés à être rendus publics.
Une deuxième personne, Amadou Seck, présentée par la presse locale comme l’administrateur du groupe WhatsApp en question, a également été placée en détention provisoire pour les mêmes chefs d’inculpation, selon une source proche du dossier. Les deux risquent de six mois à deux ans de prison pour « offense au chef de l’Etat » et jusqu’à trois ans de réclusion pour « diffusion de fausses nouvelles », selon la loi sénégalaise.
« C’est un problème qui n’aurait pas dû être créé dans une démocratie », soutient Me Ciré Clédor Ly, l’un des avocats de la chanteuse. Contacté par Le Monde Afrique, il dénonce « une interprétation abusive de ses propos » et indique avoir « demandé sa libération d’office pour détention arbitraire ». Me Ciré Clédor Ly ajoute souhaiter la disparition de l’offense au chef de l’Etat des législations « sénégalaise et africaine ». « A ce jour, on n’a pas eu de réaction du chef de l’Etat ni de son entourage. Je ne peux pas dire qu’il soit intéressé par cette procédure », déclare l’avocat.
Photomontage « contraire aux bonnes mœurs »
Le 4 août, le procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, avait mis en garde les « personnes mal intentionnées qui utilisent les réseaux sociaux et autres sites Internet pour diffuser des images ou propos obscènes, injurieux et même à caractère ethnique ». Il avait adressé, dans un communiqué, une « mise en demeure » aux « auteurs de tels manquements (…) aux fins de mettre un terme à ces agissements répréhensibles, sous peine de poursuites judiciaires ».
Au Sénégal, souvent vanté comme un modèle de démocratie sur le continent, le cas d’Amy Collé Dieng et d’Amadou Seck n’est pas isolé. Début juin, trois femmes et un homme ont été inculpés de « diffusion d’image contraire aux bonnes mœurs et association de malfaiteurs » et placés en détention préventive à la suite de la diffusion d’un photomontage jugé offensant pour le président Macky Sall sur la messagerie WhatsApp. Le photomontage montre le visage du chef de l’Etat superposé au corps d’un homme nu.