L’Institut Pasteur de Dakar est sous les feux de la rampe et est accusé de tous les maux dans sa contribution au plan de riposte contre le Covid-19 au Sénégal. La Fondation est accusée de faire main basse sur les tests diagnostic et de jouer le jeu de puissances étrangères.
Mais ce qui n’est pas connu de la majorité de ses détracteurs, c’est que l’Institut Pasteur de Dakar n’est pas entièrement privé. En d’autres termes, l’Etat du Sénégal est présent dans cette fondation dont les premières briques ont été posées en 1896 par l’entremise d’Emile Marchoux, un disciple de Pasteur qui implanta un laboratoire de microbiologie à Saint-Louis et débuta ses travaux de recherche sur le paludisme et la maladie du sommeil. Ce n’est qu’en 1913 que le laboratoire est transféré à Dakar, au Cap Manuel.
La même année, selon le site de l’Institut Pasteur, consacre la préparation d’un vaccin contre la rage, puis d’un vaccin contre la peste. Mais l’institut Pasteur de Dakar est réellement né en 1924 suite à une signature de convention entre le laboratoire de Dakar et l’Institut Pasteur à Paris. Son premier directeur est Constant Mathis. En 1929, la souche du virus de la fièvre jaune est isolée par A. Sellard et Jean Laigret. Ces deux chercheurs procèdent à la préparation du vaccin de la fièvre jaune qui fut donnée à 3.000 volontaires européens résidant en Afrique de l’Ouest. On est en 1934.
Après l’avènement du Président Léopold Sédar Senghor au pouvoir, la France et le Sénégal signent en 1963 une convention pour la poursuite de la « mission d’assistance technique en matière de recherches biologiques, médicales et d’applications pratiques » de l’Institut Pasteur de Dakar.
Dans le cadre de la poursuite de la collaboration entre l’Institut Pasteur et l’Etat du Sénégal, un conseil de perfectionnement est créé en 1974 et sera présidé par le Ministre de la Santé. Son rôle consistera à examiner et à approuver les programmes de formation, de recherche et de production proposés par le Directeur de l’Institut Pasteur. Mais en réalité, l’Institut Pasteur n’opère sa mue qu’en 2009 et devient « fondation de droit sénégalais grâce à la signature de ses statuts définis par l’Etat du Sénégal et l’Institut Pasteur et faisant l’objet du décret n°210-614 du 27 mai paru dans le journal officiel du 10 juillet 2010 ».
Ce décret consulté à Dakaractu, fixe le statut de la fondation Institut Pasteur de Dakar et son mode de fonctionnement. Le titre premier du décret concerne les statuts de la Fondation et consacre la dénomination Institut Pasteur de Dakar qui, selon le décret devra être mentionnée dans tous les documents de la Fondation notamment ses papiers à en-tête, correspondances, factures, procès-verbaux de délibérations.
Toujours au sujet de son statut, le décret en question stipule que « La Fondation a objet principal, dans le respect des lois et règlements internes des pays, de contribuer à la santé publique, notamment en Afrique et en particulier au Sénégal, en menant des activités de recherche, d’enseignement, de formation, d’expertises médicales, épidémiologiques et biologiques et de production du vaccin antiamaril, ainsi que toute autre activité légale se rapportant à ou permettant la réalisation de l’objet de la fondation ».
La durée de la Fondation Institut Pasteur de Dakar, quant à elle, est indéterminée, selon le décret.
Au titre des organes constitutifs de la Fondation Institut Pasteur, il est écrit noir sur blanc que ladite fondation comprend un Conseil de fondation et un administrateur général.
Organe suprême de l’organisation, le Conseil de fondation est investi des pouvoirs les plus étendus pour faire ou autoriser tout acte ou opération entrant dans l’objet de la Fondation, excepté ceux réservés par la loi et les présents statuts aux organes de contrôle. Le Conseil est aussi investi d’une mission générale de réalisation des objets de la fondation, veille à la gestion correcte du patrimoine ainsi que des ressources de la Fondation et assure un contrôle permanent sur l’administrateur général.
Le Conseil est composé de dix membres dont un président et un secrétaire, parmi des personnes choisies en raison de leurs compétences dans les domaines d’activité de la Fondation ou pouvant contribuer à la réalisation de son objet. Ses membres sont désignés par l’Institut Pasteur et l’Etat du Sénégal, à raison d’un quota de trois personnes par entité. En outre, deux personnalités qualifiées sont conjointement désignées par l’Etat et l’Institut Pasteur et choisies en raison de leurs compétences et de leurs disponibilités pour exercer leur fonction. Les deux derniers membres du Conseil sont issus du Personnel. Il s’agit d’un scientifique et d’un non scientifique exerçant à la Fondation Institut Pasteur de Dakar et ayant au moins deux années d’ancienneté.
Selon le décret, « le Président du Conseil de fondation nomme parmi ses membres, sur proposition conjointe de l’Institut Pasteur et de l’Etat du Sénégal, un président en dehors des représentants de l’Etat sénégalais, pour une durée de quatre ans renouvelable une fois ».
Quant à l’administrateur général, il est nommé par le Conseil de fondation parmi les membres ou en dehors d’eux, dans le respect d’une procédure bien établie. Un appel à candidature est lancé pour occuper cette fonction et les postulants doivent être prêts à prendre fonction six mois avant la fin du mandat de l’administrateur en poste.
La rigueur est de mise dans le choix de l’administrateur général de l’Institut Pasteur de Dakar. Son choix est un exercice qui revient à un comité de sélection composé de cinq membres, deux désignés par l’Etat et un désigné par le Conseil de fondation. Il faut préciser que les membres du Conseil de fondation ne peuvent faire partie du comité de sélection. Le choix de l’administrateur général ne sera entériné qu’après que le comité de sélection aura soumis au Conseil de fondation une liste de trois candidations présélectionnées et classées par ordre d’évacuation, à laquelle est joint un rapport motivé. C’est sur la base de ce rapport, poursuit le décret que le Conseil de fondation nomme un candidat. L’administrateur général est nommé pour une durée de trois ans renouvelables une fois. Le Dr Amadou Alpha Sall est l’actuel administrateur général de l’IPD.
La Fondation est aussi dotée d’un Conseil scientifique composé de six membres dont quatre sont désignés par le Conseil de fondation sur proposition de l’administrateur général parmi des scientifiques non sénégalais dans les domaines d’activité de la « Fondation Institut Pasteur de Dakar ». Deux autres sont désignés par le Conseil de fondation sur proposition de l’administrateur général parmi les scientifiques sénégalais. Les membres du Conseil scientifique sont désignés pour une durée de quatre ans renouvelables et n’appartiennent pas au personnel de la « Fondation Institut Pasteur de Dakar ». Leurs fonctions sont gratuites, mentionne le décret publié dans le journal officiel du 27 mai 2010.
Le titre IV du décret consacre les dispositions financières, dotations initiales, patrimoine, ressource, exercice social et comptabilité de la Fondation Institut Pasteur de Dakar. Au sujet de la dotation initiale, il est écrit qu’elle est apportée par l’Institut Pasteur et par l’Etat du Sénégal pour un montant de dix-neuf milliards trois millions cinq cent quatre-vingt-huit mille trois cent quatre-vingt-neuf francs (19 003 588 389 FCFA) dont deux milliards quatre-vingt-cinq millions cent quatre-vingt-cinq mille huit cent trois francs CFA (2 425 185 803 FCFA) en numéraire. Cependant, « la Fondation Institut Pasteur de Dakar » dispose d’un patrimoine dont les éléments ne constituent pas, ni conjointement, ni séparément, des biens publics ».
Outre la dotation initiale, les ressources de la Fondation proviennent des revenus tirés de la gestion de son patrimoine, des revenus de la production de vaccins, des subventions, dons et legs provenant de toute personne physique et/ou morale, publique et/ou privée sans qu’ils puissent violer les lois et règlement en vigueur au Sénégal ou porter atteinte à l’indépendance de la Fondation. Elle peut aussi bénéficier des subventions accordées par le gouvernement français, le Gouvernement sénégalais et tout autre gouvernement, notamment dans le cadre des « contrats d’objectifs ».
Dans le cadre de la lutte contre le Coronavirus, le ministre de Santé a affirmé que l’Institut Pasteur doit bénéficier d’un budget pour les besoins des tests diagnostiques dont le coût n’est pas connu du grand public. Mais dans un communiqué sorti ce jour, l’IPD affirme que cette contribution n’est pas payante.