Longs silences, moins critique avec Macky : Idy, un opposant complaisant
A lire la dernière sortie d’Idrissa Seck sur les inondations, l’on ne manque pas de se demander si c’est réellement un opposant qui s’exprime. De surcroit quelqu’un pressenti pour devenir le chef de l’opposition. Une attitude sujette à interrogations.
« Les pluies diluviennes d’hier ont plongé plusieurs localités de notre pays sous les eaux et occasionné des dégâts multiformes. Nous vivons ce sinistre aux cotés de nos compatriotes dont les lieux d’habitation sont inondés, mais aussi ceux ayant enregistré des pertes matérielles. Nous leur exprimons notre compassion, notre totale solidarité et invitons les populations ainsi que l’État à prendre toutes les mesures nécessaires pour leur venir en aide », dixit Idrissa Seck. Et c’est tout !
C’est à se demander si c’est réellement l’opposant ‘’en chef’’ Idrissa Seck qui a sorti le communiqué. Aucune critique sur la gestion des inondations par le régime actuel. Idrissa Seck semble même accorder le même niveau de responsabilité aux gouvernants qu’aux gouvernés, lorsqu’il appelle « les populations ainsi que l’État à prendre toutes les mesures nécessaires ».
A l’évidence, le message a perdu sa virulence habituelle. En effet, depuis un certains temps, depuis leurs retrouvailles à la maison du parti socialiste en février dernier, pour être précis, Idrissa Seck qui attaquait sans ménagement Macky Sall, est devenu moins critique, conciliant à la limite, avec la gestion de celui-ci, même sur des dossiers dont les fautes de gestion sont manifestes.
Sur la gestion de la Covid-19, la distribution des vivres par le ‘’beau frère’’, Mansour Faye, le décret d’honorariat qui a défrayé la chronique, l’accaparement des terres du littoral dakarois et des terres rurales (Ndingler), la gestion des 767 milliards du plan décennal consacré aux inondations…Idy est en mode spectateur et s’emmure dans un silence de mort. Ses rares sorties comme celle sur les inondations sont limites complaisantes.
Selon l’enseignant-chercheur en science politique à l’université Gaston Berger, Moussa Diao, l’appel lancé par le leader de Rewmi à sa sortie d’audience avec Macky Sall en mars dernier pour une ‘’union sacrée autour du président de la République pour vaincre la Covid-19’’, ne le dédouane guère. Même si ses partisans semblent l’agiter pour justifier sa posture.
« Ce que tout le monde a constaté, c’est qu’il est devenu moins sévère sur ses critiques, s’il ne ménage pas d’ailleurs le pouvoir. En tout cas, ces dernières sorties c’est juste pour faire quelques observations mais il n’est plus dynamique, il n’est plus vigoureux en tant qu’opposant, observateur, analyste et connaisseur des réalités politiques », souligne Moussa Diao.
Remous dans la coalition Idy2019 et à Rewmi
Au sein de son parti Rewmi comme dans la coalition Idy2019 qui a porté sa candidature lors de la dernière présidentielle, l’attitude de leader de Rewmi fait jaser. Barthélémy Dias a été le premier à fustiger le mutisme de Idrissa Seck face au débat qui faisait rage sur la gestion des ressources pétrolières et gazières du Sénégal. Débat relancé alors par la publication de l’enquête de la Bbc qui a éclaboussé le frère du président de la République, Aliou Sall. C’était lors d’une conférence de presse au mois de juin 2019, juste quatre mois après l’élection présidentielle. Le maire de Mermoz Sacré-Cœur soupçonnait un ‘’deal’’ entre Idy et Macky.
Des propos qui avaient, à l’époque, fait sortir les rewmistes de leurs gonds. « Idrissa Seck définit librement, avec son entourage, sa stratégie de communication sur chaque sujet. Personne donc ne peut lui imposer de timing médiatique, et il n’a non plus de leçon à recevoir de personne », martelait un de ses affidés, Daouda Ba qui s’insurgeait contre les propos « discourtois et fallacieux de Barth » contre son leader. Mais, les contre-attaques des Rewmistes ne parviendront pas à taire les remous dans la coalition Idy2019.
En effet, d’autres alliés comme Abdou Karim Fall se sont aussi signalés pour dénoncer la stratégie-Idy qui consiste à rester dans sa tour d’ivoire déconnecté des réalités du terrain. « La politique, c’est le terrain, notamment en cette période où s’annoncent les élections locales. Ce n’est pas une affaire de troupeau qu’on garde quelque part et venir le chercher quand on veut. Il faut prendre le pouvoir décentralisé. Ce qui sera une bonne chose pour conquérir le pouvoir central », fulmine Fall (représentant des alliés) à l’attention d’Idrissa Seck.
Ces agitations n’épargnent pas sa formation politique, Rewmi où beaucoup de responsables et pas des moindres quittent le navire. Dernier, après Abdourahmane Diouf, à faire ses ‘’adieux’’ au patron de Rewmi, le colonel Abdourahim Kébé vend la mèche, même s’il évoque des ‘’convenances personnelles’’ pour justifier son départ.
La dernière phrase de sa note semble bien indiquer les vraies raisons du divorce. « Mon engagement politique continue pour une opposition forte, cohérente et audible au service exclusif des Sénégalais et du Sénégal », souligne l’ex-secrétaire national de Rewmi en charge de la défense et de la sécurité.
‘’Protocole de Colobane’’, chef de l’opposition
Dans tous les cas, des doutes subsistent sur les raisons du mutisme d’Idrissa Seck sur la gestion de Macky Sall avec qui il a scellé des retrouvailles empreints de cordialités en février lors de la cérémonie d’hommage à Feu Ousmane Tanor Dieng à la maison du Parti socialiste. Certains soupçonnent un ‘’protocole de Colobane’’ après la poignée de main cordiale entre les deux adversaires politiques et l’invite du président Macky Sall à son ‘’aîné’’ à taire ‘’les contradictions’’.
«Je salue mon cher aîné Idrissa Seck, mon frère Malick Gakou et tous les autres. Je voudrais vous dire qu’au-delà de la diversité de nos trajectoires, nous avons en commun la seule et grande référence qui est ce pays, le nôtre, cette terre de nos ancêtres. Il faut bien que toutes les contradictions soient dissoutes dans l’unité autour de la grandeur de notre Nation», avait lancé Macky Sall.
Depuis, silence radio ! Idy est muet comme une carpe.
Avec l’agitation du statut du chef de l’opposition et les juteux avantages qu’il offre (2 milliards de budget, entre autres), des observateurs de la scène politique croient savoir que si Idy se montre concilient avec Macky, c’est pour que la majorité continue de défendre, sur la table du dialogue, le critère de désignation qui l’avantage.
En effet, deux critères de désignation sont en confrontation. Devrait-il s’agir du chef du parti d’opposition ayant le plus de sièges à l’Assemblée nationale ? (Abdoulaye Wade du Pds). Critère défendu par Pastef.
Ou devrait-il s’agir du candidat arrivé deuxième à la dernière présidentielle ? Donc Idrissa Seck. Une position défendue par la majorité sur la table du dialogue. Est-ce la raison du silence d’Idrissa Seck ?
Silence de ‘’diamant’’ ou de ‘’pacotille’’ ?
Ses partisans bottent en touche. « C’est antinomique. On ne peut pas chercher à devenir chef de l’opposition et faire les yeux doux à Macky Sall, cela n’a aucun sens », fulmine Yankhoba Seydi. Selon lui, si Idy s’emmure dans le silence, c’est pour se conformer à son ‘’serment’’ de décembre 2018.
« Même dans notre parti, il est fréquent que des militants s’étonnent du pourquoi il ne parle pas, il ne critique pas Macky Sall. Il avait dit qu’il n’allait plus critiquer la gestion de Macky Sall. C’était en décembre 2018, quand le Fds de Babacar Diop l’avait investi comme candidat à la présidentielle de 2019, à la place de la nation (ex-Obélisque). Il avait dit qu’il avait tellement critiqué Macky Sall que finalement il avait décidé de ne plus le critiquer », explique Seydi.
D’après Seydi, « le silence de Idy est de diamant » ! « La parole est d’argent, le silence est d’or. Il y a des moments où la parole est d’or. Mais quand le silence permet de produire les effets d’une parole d’or, ce silence là est de diamant. Son silence là est important pour qu’enfin les gens réalisent qu’ils ont laissé un as à la touche », fulmine-t-il.
Seulement, au vu des soupçons qui pèsent sur l’ancien Pm de Wade, l’on se demande finalement si cette stratégie du « silence » n’est pas de pacotille, puisqu’elle est nulle d’effets car le leader de Rewmi essuie revers sur revers depuis 2007.